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La vigne voyageuse
Ce paquet ressemblait plus à une boite de pizza géante, qu'à un colis. Les préposés du tri postal, me l'avaient fait passer. Nous étions en 1963 et j'effectuais mon service militaire à l'aéroport de Bron. Installés dans un "car-
Après l'avoir tourné et retourné dans tous les sens, je me décidais à l'ouvrir. Ce mystérieux paquet dévoila soudain son secret : Des sarments de vigne, attachés en cercle pour tenir dans cette boite extra plate et curieuse. Un schéma et des explications à suivre, pour leur plantation, y étaient joins. Mes parents se préparant à quitter Aïn-
La vigne plantée en 1930 par le grand-
Ils venaient de cette vigne que mes Grands-
Au printemps suivant, les sarments bourgeonnèrent. Ils donnèrent d'autres sarments et des feuilles. Nous les farcissions à la mode arménienne. Un régal culinaire appris de ces autres frères dans l'exil, comme nous. Le temps passa, la treille donna ses premières grappes, belles, mais hélas, ce n'était qu'un semblant de raisin.
Tout comme nous, elle prenait lentement racine dans le sol de France. Elle affrontait ses hivers inconnus et douloureux, avec leurs neiges, leurs gels, leurs pluies et puis leur vent du nord, ce "Mistral" qui nous faisait si peur. Le froid s'installa insidieusement bien avant que la première récolte ne mûrisse. Qu'à cela ne tienne, la treille entreprit de gagner quinze jours, chaque année, pour être à maturation au bon moment. Ainsi, en trois ou quatre ans, elle nous permit enfin de déguster ses premiers fruits d'été.
Un détail cependant me frappa lors de l'examen du tout premier raisin. Chaque grain s'était blindé à sa façon. Sans doute, pour résister au froid, il renfermait un grain plus petit, formé lui aussi de peau et de pulpe, protégeant les pépins. Pour l'avoir constaté, je peux affirmer ici, l'Homme ne l'a pas inventé, le double vitrage est né dans la nature !
Comme nous, la vigne s'est installée sur cette terre, épousant l'air et le soleil de France.
La même vigne rapatriée à Valence par René
Nombre d'entre nous, ont en fait autant en liant des liens étroits avec des filles de Métropole. Mes grands-
Papa s'est mis à soigner cette vigne avec beaucoup d'amour. Il devait lui parler, comme on le faisait là-
Maman s'en est allée dans l'autre dimension, et papa, à son tour, quelques années plus tard, a suivi le même cheminement. Comme nos cœurs blessés de ces arrachements, notre vigne, elle aussi, a pleuré son départ. Cet été de tristesse, dans sa grande douleur, elle n'a pas fait de fruits.
Cette vigne de l'exil, se perpétuera-
René ANIORTE, à Valence le 11 mars 2009