Aïn-EL-Turck La Plage

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Raconté par G. Montaner

Notre village

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Aïn-El-Turck vers les années 1900 - En haut à droite : la vieille église - Devant vous : la route du Cap Falcon


Avant l'arrivée des français, en 1830, le territoire de la commune était parcouru par la tribu nomade des El-Mar. Ils cultivaient l'orge et faisaient paître leurs troupeaux dans la plaine qu'ils désignaient sous le nom de plaine de l'Eurfa. C'était des gens paisibles qui avaient la haine des turcs. Ils devinrent sans difficulté nos auxiliaires. Le 1er août 1848, le territoire d'Aïn-El-Turck fait partie intégrante de la commune d'Oran. Le décret du 11 août 1850 , promulgué le 18 septembre suivant, prescrit la création d'un centre dans la plaine de l'Eurfa. Ce texte stipule: "Il est créé dans la plaine de l'Eurfa au lieu dit Aïn-El-Turck un centre de population européenne de 60 feux. Le territoire de la commune sera de 2.650 hectares, 35 ares et 44 centiares".

Le 10 septembre 1850 le ministre de la guerre adresse une dépêche demandant la mise en place de la délimitation et de l'alignement du village. Ce qui, de nos jours, est dénommé le P.O.S. (plan d'occupation des sols) et celui de nivellement sont établis par le Service des Bâtiments civils. Le sol environnant, sur tout le territoire, se compose essentiellement de lentisques(1), de diss(2) et de palmiers nains(3), qui occupent même l'emplacement du futur village. Le gouvernement de la 2ème République accorde alors aux colons 125 F par hectare défriché !


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Inutile de décrire toutes les initiatives, la patience, la besogne ardue et les efforts de quelques pionniers pour transformer le village en commune de plein exercice : routes, fermes, maisons, mairie, école, poste, fontaines, lavoir, église, tout a pris forme peu à peu, tout a pris vie. Cette période a duré jusqu'en 1885. A partir de là, pendant 15 années encore, le village s'est embelli de plantations d'arbres, de trottoirs et même, à certains endroits, on voit apparaître l'éclairage des rues ! C'est un grand progrès. Pour ne pas se laisser déborder par les spéculateurs, la municipalité décide de vendre une partie de ses terrains cédés par les domaines. 112 lots seront proposés au prix de 0.75 F le mètre carré. Hélas, les spéculateurs s'en mêlent rapidement et, en quelques années, les prix augmentent.

En 1900, un colon,
M. Maurice Debaux, a la bonne idée de lotir en bord de mer. Cette construction de villas devait constituer la base de la station balnéaire de Saint-Maurice. A peu près à la même époque, M. Bouisse en fait de même, près de là ; il bâtit lui aussi sur le front de mer et c'est la création de Bouisseville.

Au terme de cette première partie, voici des noms que nous retrouvons parmi les premiers colons d'Aïn-EI- Turck :  
COUDERC, Antoine VASSAS, Michel BOTELLA, PAREIL, PIOCHAUD, OLIVERES, Pierre LONGHl, Louis LONGHI, Jean NARBO, CHANEL, GIBERGUES, ANTON Carlos, PERRIN, POCHET...

Certaines de ces familles étaient encore là en 1962. Ayons une pensée pour elles...

Au cours des années, des bâtiments modernes ont vu le jour ; une nouvelle église, une poste, des écoles, une magnifique mairie visible de très loin avec sa tour et surtout ses horloges (déplacées au centre de la place), ont été édifiées autour de la place centrale du village. Tous les évènements importants de la commune s'y déroulaient : visite de personnalités, élections, mariages, fêtes, même les enterrements avec l'église, tout passait par cet endroit. Comme il y avait en plus le terminus des cars de la SOTAC, c'était une animation permanente.

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Comme par hasard, aux autres coins de cette place, des commerces étaient installés. La librairie AGULLO, en face, la boulangerie DROUIN, et à l'angle du boulevard qui montait vers Bou-Sfer, l'épicerie de madame MARTINEZ.

Dans le village il y avait bien d'autres boutiques, de la plus petite épicerie jusqu'à des magasins spacieux, équipés de comptoirs modernes vernis et de glacières qui nous paraissaient immenses, puis l'apparition de réfrigérateurs d'une blancheur immaculée sans oublier, comble de luxe, ces brasseurs d'air à pales immenses qui, depuis le plafond et au gré de l'humeur des commerçants, répartissaient une fraîcheur apaisante. Bien sûr, au fil du temps l'évolution a permis que les autocars remplacent les diligences, que les garagistes fassent disparaître le maréchal-ferrant, et que les "lampos" fassent également leur apparition ! Au village il y en avait deux importants mais qui, à l'occasion, servaient de point de repère: le lampo SHELL de la famille PARODI

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et celui de BP de la famille ALARCON.

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Citons aussi d'autres commerces comme ceux de
FERRER, CANDELA, DECARA, ANTON, ANIORTE, BOTELLA, GAGLIARDO, BEL-HADJ, FLORENTINI, SALANON et j'en oublie, mon Dieu, et j'en oublie!

Vu d'avion, Aïn-el-Turck ressemblait à un triangle isocèle. En prenant pour base la route qui longe la mer, avec en point central de cette base le Monument aux morts et son fameux canon rouillé (remercions ici ceux qui ont ramené ce souvenir dans la région de Perpignan), prenant en repère coté Cap-Falcon l'église de Saint-Maurice (cinéma en plein air), coté Bouisseville la fin de la route du canal, celle qui descendait depuis la vieille église et la place VASSAS qui était sur la route du cimetière ; dans ce triangle, deux grands axes, la route qui partait du monument aux morts pour rejoindre la vieille église en traversant tout le village, c'est devenu au cours des années l'axe principal, avec la route qui arrivait d'Oran et passant devant la mairie rejoignait le douar marocain. C'était une croix dans le triangle
(voir le plan). Pour les anciens du village, s'il avait fallu délimiter les quatre points cardinaux du village en désignant un site, je pense qu'ils auraient dit: "Au nord, le monument aux morts et le terrain de boules (dont l'éclairage, pour les longues parties nocturnes, est dû en partie à une intervention de M. Janvier FERARRA, personnage important de cette région et dernier maire de Mers-el-Kébir) ; au Sud, le cimetière ; à l'Est, la station Shell de Parodi et à l'Ouest, le douar marocain ou la colonie de vacances "La Mer et les Pins".



Pour un visiteur ou un vacancier, ces endroits ne sont pas très représentatifs. Mettons-nous à la place de l'un de ces personnages et partons à la découverte du site. Débarqués du car au kiosque de la SOTAC, sur la place de la mairie, et après quelques minutes d'attente pour récupérer les bagages qui sont sur la galerie du véhicule, nous voilà sur la route qui mène à la plage, première à droite et tout droit. En descendant le grand boulevard, le visiteur constatera que si sur sa droite quelques commerces ont pris place, notamment une boulangerie, une pharmacie, une crémerie, un bureau de tabac, de l'autre côté, à part le buraliste, tout le reste de l'avenue est occupé par des bars et des brasseries qui rivalisent d'astuce pour attirer les passants.
                                              


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De la chaise de bar la plus courante au fauteuil équipé du coussin le mieux rembourré et le plus accueillant, du parasol publicitaire standard à celui le plus mondain, des bâches classiques que le serveur déroule péniblement en faisant profiter le voisinage des crissements des poignées métalliques en défaut de graissage depuis longtemps car la burette d'huile a disparu, à celle qui se déroule automatiquement, sans qu'aucune présence humaine ne soit décelable, depuis la terrasse poussiéreuse et encore brûlante du soleil qui l'a longuement dardée de ses rayons à celle où la fraîcheur vous attire car elle est régulièrement arrosée depuis des heures, depuis les serveuses qui viennent juste de terminer leur service du midi où les plats du jour n'ont pu suffire et qui n'ont pas encore changé de toilette et de tenue, à celles qui semblent surgir d'une gravure de mode car elles sortent de chez le coiffeur et que leur service commence à peine, tous ces bars, toutes ces brasseries, attirent donc une population qui se reconnaîtra et qui saura si au moment du choix, de l'Anis Gras, du Phénix,


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du Super-anis, de l'Olympic, du Col bleu, du Carton ou du Cristal  seront servis dans le cadre et dans l'ambiance recherchés, populaire, mondaine, militaire à certaines époques, si les sardines à l' escabèche, les escargots à la frita, les brochettes et les rates farcies se dégustent avec le même plaisir, si le petit verre de l'amitié est meilleur au comptoir ou avachi dans un profond fauteuil duquel parfois on a du mal à faire surface, mais au fur et à mesure que la soirée avance, le choix devient difficile. La sélection se fait au hasard des places disponibles sur lesquelles les consommateurs se précipitent.

A partir de cet instant le client potentiel vient grossir les rangs de ceux qui ont entamé le paséo, le boulevard, ce va-et-vient qui permet à chacun de se délasser, de retrouver des amis, de repérer une âme sœur, de lui faire un compliment et pouvoir ainsi, au tour suivant, lui adresser la parole, pouvoir peut-être la faire quitter son groupe et comble du bonheur pouvoir disposer sur l'instant d'une place à la terrasse du café le plus beau pour, si possible, pouvoir faire durer l'entretien.

Les propriétaires avaient pour noms :
PASCAL, GILBERT, PARODI, FERRANDEZ, OCTAVE, IBANEZ, ABAD, TOURNEGROS, etc. Que les non cités me pardonnent mais il y en avait tant et tant !... Et je n'évoque pas ceux situés à Bouisseville, Clairefontaine ou Cap-Falcon ! L'extension rapide du village avait amené la municipalité à donner aux artères principales et aux rues des noms qui n'avaient aucun lien. A Oran, par exemple, dans le quartier de la place d' Armes, les rues portaient des noms de l'époque Napoléonienne, bien sûr des noms de victoires : Austerlitz, Wagram, etc. A Aïn-el-turck, en dehors de la classique place de l'Hôtel de ville, nous retrouvions la rue du Général LECLERC et la rue PASTEUR pour les hommes célèbres, celle de personnalités comme la rue du Caïd BOUKATHEM ou celle des Frères VASQUEZ, la place VASSAS et enfin, la rue des écoles qui porte bien son nom, l'allée des villas, le                                                        


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boulevard Bon accueil, la rue Beauséjour, tous ces noms imposés par une administration tatillonne. Les anciens n'avaient nul besoin de ces indications pour se retrouver et la simple évocation d'un nom ou d'un surnom comme c'était l'usage, leur permettait de se situer immédiatement. Presque toutes les sources, les rochers, les petits bois, les grottes avaient une histoire que les vieux aimaient raconter le soir, à la fraîche, lorsque toute la famille était réunie sur le pas de la porte…


(1) Le Lentisque est en général un arbrisseau pouvant atteindre 3 mètres, c'est parfois aussi un petit arbre ne dépassant pas 6 mètres.

(2) Le Diss (Ampelodesmos mauritanicus, famille des Poacées) est une grande graminée répandue dans l’Afrique-du-Nord méditerranéenne et les régions sèches de la Grèce à l`Espagne.

(3) Le Palmier nain = "Margaillon"

(Les textes de Guy MONTANER ont paru dans les N° 16 et 17 du bulletin de l'AOBR, ils sont la propriété de Guy, et ne doivent pas être utilisés sans son autorisation expresse.)



Mis à jour le 01/12/2022
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